Mésa-Van-tures, Nouvelle-Zélande (5-26 mars)

…ou l’Art de survivre en cas de fin du monde.

Voici ci-dessous, à quelques retouches près, le texte envoyé par message à Andrew et Anaïs, qui ont eu le malheur de nous demander des nouvelles au pire moment. Ça leur apprendra à être des amis, tiens. Camille s’est donc défoulée pendant plusieurs heures en racontant toute les 💩 qui nous sont arrivées à partir de mi-mars, quand le virus a commencé à devenir un peu plus qu’une vague histoire lointaine sur BFMTV, jusqu’au 26 mars, début officiel du confinement total néo-zélandais. Bonne lecture. 😛 

Chapitre I — Le van

Ça commence le 5 mars quand on arrive en Nouvelle-Zélande, le virus commence un peu à inquiéter mais pour le moment ça va. Il faut qu’on se trouve un van, en attendant on loge dans un hôtel de Backpackers à Auckland ; et comme tout coûte une blonde (je voulais écrire blinde mais j’aime l’humour de mon correcteur automatique), on dort dans un dortoir de douze personnes (même s’il y a de grandes parties communes pour cuisiner, manger, salon télé, …).

Déjà après vingt-cinq heures de vol depuis Hanoi au Vietnam on est cassés, et en plus l’absence totale d’intimité (et les chambres ne sont pas aérées parce que certains ont des horaires de nuit donc c’est toujours fermé et dans le noir) nous crève (autre exemple, la télé toujours en route dans le salon).

On commence à chercher un van dans les annonces en ligne, c’est aussi épuisant et il y a quinze mille facteurs à prendre en compte. Et comme on est en mi-saison, les gens les revendent déjà 2000$ de moins que ce qu’ils les ont achetés, donc on n’ose pas imaginer comment on galèrera à le revendre… Tout ça pour dire que le 7 mars, on va a la « car fair » ; on repère trois vans et on espère très fort que c’est bientôt fini.

Il y en a un à 5500$ (2800€ à peu près) qui est vieux et un peu petit mais sans trop de kilomètres au compteur, et dont la propriétaire — une jeune française étudiante en ingé mécanique — inspire vraiment confiance ; un autre à 7000$ d’un français, le van a quelques soucis mécaniques mais a l’air sympa, et un dernier à 8000$ vraiment joli, spacieux, vendu par deux jeunes allemands qui ont l’air un peu plus paumés mais gentils.

On fait un tour de conduite avec les trois, Camille préfère le troisième, Romain le deuxième. On essaye de faire descendre un peu le prix des allemands qui nous disent OK à 6700$, mais on comprend que quand eux l’ont acheté en décembre (à 10000$ 😲) ils n’ont pas fait l’inspection pré-achat que tout le monde recommande. Du coup on est un peu sceptiques…

On voit ensuite le français, qui accepte de descendre à 6700$ et de faire l’inspection deux jours plus tard (on est samedi) seulement s’il ne le vend pas le lendemain à une autre car fair. Le soir-même on lui dit ok, et on attend le lendemain midi (on ne va pas à la seconde car fair parce qu’on est vraiment crevés et qu’on espère qu’on n’aura pas besoin).

Midi passe. Il nous dit qu’il a vendu le van.

On contacte tout de suite les allemands… qui nous disent qu’ils ont fait une inspection à la car fair et qu’il y en aurait pour 2000$ de réparation. Là on fait « euuuuh ». Donc soit on repart pour une semaine de recherches — mais on en peut plus — soit on prend celui à 5500$ même s’il est un peu petit et un peu vieux. On hésite et puis on dit allez, on le prend (toujours sous réserve de l’inspection). On trouve quelqu’un pour l’inspection le lendemain à 11h, ça se passe bien, il y a deux câbles à changer quelque part mais ça va. Youhou !

On savait qu’il y avait une vitre cassée sur la droite mais dont le changement était pris en charge par l’assurance de Leah, la propriétaire, donc on n’a rien à faire à part aller au rendez-vous pris pour le jeudi suivant. Ok, super, Romain va faire le transfert de l’assurance AA, formule complète comme ça on est tranquilles.

Et on fait notre première nuit dans le van. 😍

Chapitre II — La vitre

Bon, c’est petit, ça fait mal au dos quand on se tient debout, mais on dort super bien et une fois qu’on aura viré tout le matériel qui ne sert à rien on sera bons. On commence donc à faire ça le mardi, en attendant le rendez-vous pour la vitre du jeudi. On rencontre Norman, un gars super sympa qui nous invite à dîner chez lui avec sa famille le soir même, c’est super chouette on est tout contents.

Certes il y a encore plein de bordel à faire pour le van, transfert de propriété, paiement de l’assurance, courses, rangement, mais petit à petit ça prend forme… Puis on reçoit un message comme quoi le rendez-vous pour la vitre du jeudi est décalé « peut-être au samedi » parce qu’ils n’ont pas reçu la bonne vitre. Cette bande de branquignolles.

Or, Camille repère dans la météo une fenêtre de quelques jours de beaux temps (ah oui on vous a pas dit mais la Nouvelle-Zélande c’est la Bretagne en fait). Comme notre but c’est d’aller dans l’île du Sud (plus froid) le plus vite possible tant que c’est l’été, puis remonter dans l’île du Nord, on n’est pas ravis d’être coincés pour une durée indéterminée à Auckland.

Donc on dit « Bon vous êtes chiants, on décalera le rendez-vous dans une autre ville, en attendant on va faire une rando ! »

On part faire le Tongariro Northern Circuit en trois jours, c’était fabuleux, plus belle rando de notre vie et plus beau ciel d’étoiles aussi ! On a écrit un article que vous pouvez lire ici.

Puis on conduit vers le sud, plus précisément Wellington, où on doit prendre le ferry pour changer d’île. Avant tout ça, on prend un nouveau rendez-vous pour la vitre, et on doit aussi croiser Juan et Sara, nos copains du Myanmar. On avait appris pendant la rando que la situation évoluant, la Nouvelle-Zélande impose aux voyageurs arrivés après le 15 mars de s’isoler quatorze jours, mais nous on est arrivés dix jours plus tôt donc on n’est pas concernés.

On attend gentiment notre rendez-vous, le 18 mars on y va ; quand on arrive le gars nous dit « Il faut démonter toutes vos étagères côté droit sinon on peut rien changer ». Alors qu’on venait de finir de tout ranger tout bien comme il faut et de s’installer. Putain. Donc après avoir juré abondamment, Romain le fait, arrache quelques trucs au passage parce que ce n’est pas lui qui les a montées… Ils nous disent d’aller faire un tour le temps qu’ils remplacent la vitre ; normalement ils appellent pour nous prévenir quand c’est fait, mais on se rend compte — bonheur — que notre téléphone français ne reçoit pas les appels des numéros néo-zélandais donc pas moyen de nous prévenir.

Donc on part déjeuner deux heures comme ils nous disent et on revient ensuite. Et là le gars nous dit « en faiiiit »…

« On a pas reçu la bonne vitre. »

Face-palm de l’enfer 🤦‍♂️ . Donc on a tout foutu en bordel pour rien (alors que la veille au matin on s’était dit « enfin on est chez nous bien installés »).

Il nous dit « J’appelle le central pour les engueuler et leur dire de recommander la bonne vitre, et ils vous rappelleront quand ils l’ont. »

On répond « Bon, est-ce qu’on peut avoir votre contact direct ? »

« Non on n’a pas de numéro direct tout se fait par le central. »

Quelle optimisation de merde.

Donc on repart se garer, on dort une nuit et on se demande ce qu’on fait. Est-ce qu’on prend le ferry pour le sud et on reee-décale le rendez-vous dans une ville là-bas, ou est-ce qu’on attend ici ? Apparemment, ça peut prendre une semaine à dix jours pour recevoir la bonne vitre…

On retrouve Juan et Sara pour un restau ensemble ; eux sont en train de remonter au Nord pour vendre leur van et rentrer en Allemagne, et on discute de la merde que c’est en train de devenir en Europe, confinement etc…

Cette histoire de mauvaise vitre (deux fois) nous saoule donc on trouve une autre compagnie qui a l’air d’être à taille plus humaine, pour les mettre sur le coup et virer l’ancienne. Ça aurait pu être bien. Mais…

…le transfert de la réclamation déposée auprès de l’assurance doit obligatoirement être fait par l’ancienne propriétaire « pour cause de confidentialité » (donc la pauvre doit passer des coups de fil à n’en plus finir alors qu’elle n’a même plus le van, super). Ça nous amène jusqu’au soir (on est jeudi 19 mars), donc la responsable de la nouvelle entreprise ne peut appeler son fournisseur (qui a la vitre) que le lendemain, vendredi matin. Respire, Camille, respire. Elle nous dit d’attendre qu’elle rappelle parce qu’elle a pas mal de travail. On attend.

On rappelle vendredi midi, et apprend qu’elle essayait de nous contacter mais que le numéro de téléphone ne marche pas — youpi — du coup, c’est trop tard, le fournisseur peut pas envoyer la vitre avant lundi 23 (soit presque trois semaines déjà après notre arrivée en Nouvelle-Zélande).

Putain.

Donc là on se dit « Bon cette fois on attend et comme ça c’est fait, et après on prendra le ferry ». Donc on attend.

Sauf que le lendemain, samedi 21, la Nouvelle-Zélande annonce un début de confinement en quatre étapes ; parce que les cas de virus sont passés à trois, dix, vingt, trente-neuf, cinquante-trois, puis soixante-six en six jours, et que le gouvernement veut stopper la propagation le plus vite possible. Le samedi, nous passons donc au niveau 2 (sur 4), qui implique notamment d’éviter tout déplacement non-essentiel. Donc au revoir le tourisme.

Putain.

Donc on se renseigne, parce que le confinement pour une durée indéterminée dans notre van qui a une vitre pétée on le sent moyen, mais on n’a pas trop de choix : est ce qu’il est possible de passer le confinement dans le van ? Réponse : non, parce que tu utilises les toilettes et parkings publics qui vont sûrement fermer. Tu le sens le stress qui monte là ?

On rappelle le couple d’Auckland chez qui on avait dîné deux fois et ils nous disent qu’on peut venir chez eux sans problème si besoin. Ouf, sauf que c’est quand même à Auckland, donc à neuf heures de route vers le nord, et qu’on ne sait pas combien de temps on va pouvoir encore circuler. On attend lundi matin, ça va peut-être rester au niveau 2, on pourra se débarrasser de la vitre qui va nous péter dans les doigts et on prend la route tout de suite après, quitte à arriver à Auckland dans la nuit.

Lundi, on arrive au garage. Le mécano arrive, commence par démonter le joint, il va pour enlever la fenêtre mais nous, malins (enfin surtout énervés de s’être faits avoir la fois d’avant ahem) on lui dit « Attendez, vous êtes sûr que la vitre est arrivée ? » — « Oui bien sûr » — « Possible de vérifier pour être sûr ? ». Il va vérifier.

Non pas encore. 

Petit facepalm mental (si on ne l’avait pas arrêté, il pétait toute la vitre avant même de savoir si la nouvelle était là — ça fait plaisir de sentir que tu peux avoir confiance dans les professionnels hein), on se pose dans le van et on attend. La dame à l’accueil nous dit que le livreur est en route, il devrait être là maximum à midi ou treize heures. Oui oui.

À 13h on leur demande si c’est ok d’aller manger quelque part et on leur laisse la clef. Oui oui, on marche pas mal et on va manger dans un fish’n’chips TROP BON. 🤤

Quand on entre dans le restaurant, la vendeuse nous calcule à peine, elle est en train d’écouter une annonce sur son téléphone : on vient de passer au niveau 3. Et dans quarante-huit heures niveau 4, lockdown (confinement) complet. 

La fin du monde est là.

Donc on mange nos derniers fish’n’chips avant le gros bordel en se disant « oh là là faut qu’on remonte vite, est-ce qu’on va se faire arrêter sur la route, en plus Auckland c’est un des points de concentration de l’épidémie ça va être grave contrôlé… »

On finit de manger, on espère que le livreur sera passé (nan mais y a pas de raison, hein, faut pas pousser non plus, on dit bien « jamais deux sans que le problème soit réglé parfaitement »). Dès le matin on avait commencé à nous poser des questions à chaque interaction avec un commerce — « est-ce que vous revenez de l’étranger, vous êtes arrivés quand, est-ce que vous avez été en self isolation » — on nous a fait remplir une fiche au garage et au restau (on a appris plus tard que c’était juste du référencement et pas juste pour les étrangers). On se dépêche de repartir, et on arrive au van, les yeux pleins d’espoir.

La vitre n’est pas changée, aucune nouvelle du livreur.

Putain.

Donc la dame de l’accueil nous dit « Sûrement qu’avec le lockdown le livreur n’a pas fait sa tournée ».

Donc nous on dit « C’est bien gentil Jeannette mais on peut pas rester là, faut qu’on parte. »

Il est 16h, on a perdu deux jours pour rien et on a neuf heures de route pour aller s’abriter en espérant ne pas se faire arrêter sur le chemin.

On part, et on espère arriver à minuit à Auckland.

Chapitre III — La montagne maudite

Au début tout va bien, on écoute de la musique, on chante, on invente des poèmes en alexandrins sur une grenouille qui rêve de traverser la route et finit par provoquer un accident entre un tracteur, un camion et un train avec sa copine la sauterelle en utilisant des ombres chinoises (véridique, on aurait dû s’enregistrer c’était mythique). 

Puis la nuit tombe, on rentre sur une route qui traverse la montagne (bon). 

Il se met à pleuvoir des trombes (fait chier)…

Et là la radio s’allume plus.

On est dans des virages de montagne.

Les essuie-glaces commencent à galérer.

On se dit « mais qu’est-ce qui se passe ».

On venait juste de passer une ville, et le GPS nous annonçait cinquante kilomètres de virages de montagnes jusqu’à la prochaine, avec passage régulier d’énormes camions à 80km/h et aucun moyen de faire demi-tour, dans une zone militaire (hahaha).

Et là les gens qui nous doublent commencent à nous klaxonner ou nous faire des appels de phare. Putain mais quoiiii ?

Et on se rend compte que nos feux avant galèrent, et sont de plus en plus faibles (la nuit est en train de tomber). Et on se dit qu’il y a de bonnes chances pour qu’on ait les feux arrière qui ne marchent juste pas. La nuit, sous la pluie, dans des virages de montagne. 

Ah oui et « zone militaire » ça veut dire aucune chance qu’il y ait des maisons, hein.

Et là le van commence à galérer à chaque montée.

Romain doit rétrograder de plus en plus.

La voiture commence à faire des espèces de rebonds hyper flippants, le genre « dans deux minutes je te lâche ».

On se décale un peu sur la gauche… et on s’arrête au bord de la route (toujours sans feux).

Romain jure dans tous les sens.

Camille sort avec son gilet sous la pluie poser le triangle en priant pour qu’il se voie.

Romain garde le pied sur l’accélérateur pour essayer de charger la batterie (« sinon on redémarrera jamais »)

Au bout de cinq minutes on retente.

Les feux ont une bonne tête.

On redémarre, il nous reste trente-cinq kilomètres jusqu’à la ville, ça peut le faire.

Sauf que ça recommence.

On fait une série de virages montée-descente atroces, Romain tremble, rétrograde en troisième, puis seconde, puis en première.

Les feux baissent de nouveau.

On fait un virage de montée en première avec Romain qui dit « putain on peut pas s’arrêter là sinon on va mourir » (des camions passent super vite à côté de nous).

On passe un espace où on aurait pu s’arrêter mais Romain est en mode automatique « garder le moteur en route sinon le van va s’arrêter en plein milieu de la route » donc il ne tilte pas.

« Romain faut qu’on s’arrête »

Il tilte, on s’arrête quinze mètres plus loin sur un endroit pas du tout adapté, la portière gauche dans les broussailles, penchés à trente degrés.

Il garde le pied sur l’accélérateur au cas où, Camille sort sous la pluie mettre le triangle à trente mètres, et remarque qu’on n’est pas si loin de la zone qu’elle avait vue. Du coup on arrive à faire reculer le van jusque là ; Camille plie un poteau en métal souple avec la main pour ne pas qu’il raye le van, et crie à Romain « un peu plus à droite/gauche » — sous la pluie toujours hein, sinon on se marre moins, tout en maintenant de l’autre main la lampe frontale vers l’arrière pour qu’on nous voie au cas où… Parce qu’on est dans un virage aussi — ben oui.

On arrive à se garer. Il est 21h30, on est en pleine montagne, coincés, il caille et nos gilets sont humides…

Mais on capte Internet. 🥳

Du coup Camille écrit à Corneli, la maman de la famille gentille d’Auckland en lui expliquant la situation, et en lui demandant d’appeler notre assurance vu que le téléphone ne passe pas. Après tout, c’est typiquement le genre de situation pour laquelle on les paye, non ?

Hahaha.

Ces enfoirés (des assurances quoi ❤️) nous disent (via Corneli qui nous écrit la conversation) : « ah ben nan, vous êtes couverts qu’en cas d’accident wesh, pas lors d’une panne »

Mais putain quoi ?!

Alors qu’ils te vendent le truc en te disant « tout est couvert ». Bande de chiens. Donc pour résumer, en gros si tu te prends pas un arbre tu te démerdes. C’est beau.

Du coup elle nous trouve des numéros de garagistes dans les environs, qu’on essaye d’appeler, mais ça rame et surtout on se dit « mais putain ça va coûter combien de nous remorquer comme ça en pleine nuit… ». Romain est au bout de sa vie, il tape sur le van en l’insultant, mais trouve quand même un numéro international pour qu’on appelle nous-mêmes l’assurance en direct histoire de leur dire « c’est quoi ce bordel ».

La personne qu’on a au téléphone dit qu’elle ne peut rien faire en l’état de notre assurance, mais qu’on peut prendre la « membership » à 200$ qui couvre le remorquage jusqu’au garage le plus proche.

On lui dit qu’on ne sait pas encore, on va d’abord essayer d’appeler les garages pour voir si ça nous fait perdre moins d’argent. Ah et évidemment, il y avait une option à 75$ de plus qui couvrait notre situation mais on ne nous en a pas parlé avant et une fois que la panne a eu lieu ce n’est plus possible de la prendre. Ben voyons.

Entre temps Corneli, inquiète, a appelé la police qui arrive pour voir si tout va bien — tout en restant à un mètre de distance d’après les recommandations du gouvernement, ce qui ajoute à notre détresse une petite sensation fort sympathique d’être pestiféré. Bon, on râle, mais en vrai la policière était gentille et nous conseille, vu qu’on a le van, de dormir dedans et d’attendre l’ouverture des garages le lendemain pour avoir un tarif de remorquage correct. Elle nous donne aussi le numéro d’un garage qu’elle nous recommande.

Donc on est partis pour dormir en pleine montagne, sous une pluie glaciale, dans un van qui ne redémarrera peut-être jamais, trente-six heures avant la fin du monde, dans un pays étranger. Yeaaah…

La nuit est particulièrement horrible, Camille fait une énorme insomnie — « putain mais on fait quoiii » — avec le cœur qui bat beaucoup trop vite toute la nuit.

« Putain on va se faire arrêter et mettre dans un gymnase pendant des mois. »

Camille nous inscrit sur un site pour trouver des appartements, mais ça ne marche pas sans numéro de téléphone néo-zélandais, elle regarde des colocs en annonce sur Facebook mais on est dans un coin assez paumé et il n’y a presque rien. Le tout en suivant sur un groupe Facebook de français en Nouvelle-Zélande les galères des autres gens qui essayent de faire des colocs pour pas que ça coûte un rein…

Bref.

Le lendemain réveil à 7h, Romain essaye de faire démarrer la bagnole en branchant la deuxième batterie (qui nous sert normalement à avoir du courant avec le panneau solaire) sur la première, en regardant sur internet comment « jump-start ».

Ça marche pas.

Romain va vers le bord de la route pour faire signe aux voitures. Ça durera environ quatre secondes (les néo-zélandais 😍) : le premier gars s’arrête. On essaye avec sa batterie, ça marche pas non plus.

Finalement Camille arrive à avoir le garage au bout du fil (après avoir appelé deux fois, laissé un message, et que le gars ait essayé de rappeler mais le numéro français est bloqué souvenez-vous hoho), qui nous dit que l’intervention coûte 220$ + des extras si on ne trouve pas facilement le problème.

On lui demande donc si on peut passer par la « membership » que l’assurance nous avait proposée la veille au soir, histoire de gagner un tout petit peu de sous. Oui c’est possible, il faut qu’on le rappelle quand c’est fait. Elle raccroche, mais Romain dit « nan mais on va pas perdre de temps, fais-le partir direct et on verra si on arrive à faire passer l’assurance ». Futé René, elle rappelle et ils envoient quelqu’un, puis on essaye d’avoir l’assurance.

Avant ça on avait fini par mettre les parents de Camille au courant, au cas où (pardon pour le stress papa-maman ❤️), qui nous avaient conseillé d’appeler notre assurance tour du monde. Ah ben oui, c’est leur boulot non ? On vous la fait courte (enfin presque) : c’est pas le numéro hors horaires — ben ouais, en France c’est la nuit 😑 — donc on en appelle un autre, où on entend hyper mal : faut s’y reprendre à quatre fois à chaque phrase, tout ça pour entendre dire « vous pouvez tenter de demander un remboursement mais c’est pas dit que ce soit inclus » et « prenez vite un avion pour rentrer en France ». Super.

Camille appelle donc l’assurance qu’on a eu au téléphone la veille, ça passe hyper mal aussi, ils nous envoient sur un mauvais numéro, puis finalement on les joint, sauf que la nana pose quinze mille questions sur le virus, notre arrivée en Nouvelle-Zélande, la self-isolation, sans même demander le nom de Romain donc on se dit « putain mais elle va juste envoyer la police nous embarquer en fait » — Romain devient fou — et FINALEMENT ça marche et on peut prendre l’assurance et payer 200$. Youhou.

Et ensuite on attend le gars du garage, qui devait mettre quarante-cinq minutes à venir et a mis une heure quinze, pendant qu’on était en panique à compter les minutes — parce que tant qu’on ne sait pas si le van peut redémarrer ou pas, on ne sait pas s’il faut qu’on cherche un appart dans le coin paumé ou conduire cinq heures jusqu’à Auckland, sans compter l’inquiétude pour la famille qui nous accueille, etc…

Le gars arrive, est sympa — on rigole tous de devoir rester à un mètre les uns des autres, c’est galère pour expliquer et montrer les trucs sur le moteur, mais ça fait du bien de voir un humain. Après une attente supplémentaire parce que son collègue lui avait piqué ses outils (ahem 😅), il nous dit que la batterie est à plat (et au passage que c’était pas du tout où on croyait et que nos branchements ne servaient à rien 😆), et qu’il doit faire un test pour savoir si c’est juste la batterie qui est morte (et remplaçable par l’autre donc ce serait bien) ou si c’est l’alternateur auquel cas c’est la merde (800$ pour le faire changer si y a les pièces sauf qu’avec le lockdown rien de moins sûr).

Il teste, apparemment c’est la batterie ; sauf que l’ancienne propriétaire nous dit qu’elle est neuve, c’est bizarre ; donc il y a une possibilité que ce soit l’alternateur qui l’ait fatiguée, mais difficile à savoir comme ça. À priori l’autre batterie en tout cas ne pose pas de souci. Bref, le gars nous dit « pour cinq heures de route jusqu’à Auckland avec l’autre batterie ça le fait » ; pour nous rassurer, il nous laisse le suivre jusqu’à la prochaine ville à vingt-quatre kilomètres et il refait une vérification là-bas. On est encore un peu perdus mais à priori on va tenter Auckland (pas trop le choix). On prend de l’essence et passe faire des courses.

Chapitre IV — Le plot twist

À ce moment là, Juan et Sara, nos potes d’Asie qui devaient vendre leur van et prendre l’avion, nous écrivent que finalement ils restent en Nouvelle-Zélande parce que c’est le boxon à Auckland, et qu’ils vont chez un ami qu’ils ont rencontré pour faire le confinement chez lui, dans une immense maison à la campagne, pas trop loin d’où on est. Vu la situation, je demande si ce serait possible qu’on vienne aussi ; à peu près sûr que oui mais il faut qu’il lui demandent… Ils n’arrivent pas à le joindre, mais disent que de toute façon il n’y a pas le choix, donc de venir pendant qu’ils essaient de l’appeler sur le chemin.

Donc on repart (vers le sud cette fois 😵) pour trois heures de route en flippant à chaque bruit du van.

On arrive à Manaia, où on doit les attendre pour arriver en même temps chez le gars. On arrive à 16h, mais eux viennent d’Auckland (cinq heures de route) donc sont censés arriver à 17h… puis 18h30 car ils sont épuisés et se sont arrêtés manger. On est moins de vingt-quatre heure avant le lockdown, et on n’est toujours pas sûrs d’avoir trouvé un endroit où s’isoler.

Le gars leur a entre-temps répondu, dit qu’on va trouver une solution mais demande à quelle date on est arrivés en Nouvelle-Zélande (sous-entendu est-ce qu’on présente un risque…). Comme on est arrivés il y a trois semaines et qu’on n’a pas fait l’isolation de quatorze jours devenue obligatoire dix jours plus tard, on flippe encore qu’il nous dise non et qu’on doive repartir alors qu’on n’en peut plus et qu’on a rien mangé ou presque depuis vingt-quatre heures (les fish’n’chips de la veille). On attend, Camille essaye d’appeler un réseau de français à l’étranger censés accueillir des gens mais le seul numéro encore accessible a un problème et la pauvre dame qu’elle a au téléphone nous apprend qu’elle reçoit cinquante appels par jour alors qu’elle a quelqu’un depuis une semaine. On attend. 

Puis ils arrivent, et on va chez le gars, John, qui habite à dix minutes. Il nous explique que comme sa fille et ses enfants viennent pour le lockdown, il vaut mieux, au cas où, qu’on aille s’isoler ailleurs que dans la maison (qui est immense avec un jardin des champs, une dépendance et tout)… Mais il a une maison paumée à une heure de route qui ferait l’affaire. Du coup immense ouf. Il nous laisse dormir dans le van là pour la nuit, utiliser ses toilettes extérieures (qui a des toilettes extérieures ? 😆) et prendre une douche dans la maison (meilleure douche de notre vie, après une semaine à puer), même manger des plats qu’il a préparés pour nous. Le gars est un ANGE. 🥰

Donc dodo dans le van, et départ prévu le matin à 9h30. Mais les épisodes de stress n’étaient pas terminés.

On se lève ; lockdown dans 6h. Juan et Sara apprennent que la maison dans laquelle on va n’a pas internet. Or ils avaient une dispense de visa valable jusqu’au 29 mars, soit… trois jours plus tard. Il faut donc qu’ils demandent un « Visitor visa » tout de suite sous peine de devenir illégaux. Vous savez, le genre de demande en ligne avec cinquante documents justificatifs, lettre de motivation, photo de bonne qualité, etc ?

Hors, internet même chez John ne marche pas très bien (ni la WiFi ni nos 4G) et en plus il faut tout faire en anglais. Donc Camille s’y est collée avec Juan… et ça a pris trois heures trente. 😫

D’abord on n’avait pas internet, puis il fallait rédiger, puis les photos ne marchaient pas, on en prenait d’autres qui ne marchaient pas non plus, le site était indisponible, et surtout le temps avant le début du confinement était en train de filer à la vitesse grand V.

On a finalement terminé à 14h30 (entre temps le gouvernement a déplacé l’heure du lockdown de 15h à minuit, argh), puis on a fini de préparer les affaires et on est partis. Camille a profité dans le van des derniers instant de 4G pour terminer de rédiger la fin de ce texte, en route pour la maison toute paumée. 😌

Agaga. C’était horrible, mais c’est enfin fini !

Dans le prochain article, on vous racontera le quotidien de notre colocation de deux mois en confinement dans la maison à Heao Road avec Juan et Sara. Des bises 😊

Camille & Romain

Y a plus de saison mon bon ami !

3 thoughts on “Mésa-Van-tures, Nouvelle-Zélande (5-26 mars)

  1. Je ne suis pas tout à fait d’accord, parce que sans le combo « nous sommes nuls en mécanique »+ »C’est un vieux véhicule avec des pièces difficiles à trouver »+ »AAAH Coronavirus fin du monde » ça se serait beaucoup mieux passé ^^ Et les prix de la location font que c’est inenvisageable pour nous.

    Donc si on y retourne, on achètera quand même un van, par contre on en prendra un plus récent et on prendra le temps de se débarrasser de tous les trucs à faire avant de partir en vadrouille ^^

  2. Woahhh quelle histoire ! Je n’imagine pas le stress… Malgré tout le ton du texte reste léger et drôle, c’est agréable de lire vos aventures, aussi angoissantes soient-elles 😀
    J’ai hâte d’entendre vos récits de vive voix <3

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