
Ahoy ! Après nos péripéties d’avant confinement, voilà le récit (bien plus serein) de nos deux mois perdus dans la campagne dans la région de Taranaki. Bonne lecture !
I — La maison
Nous voilà donc arrivés le 26 mars dans la maison « de campagne » de John, un ami de Juan et Sara, fermier entre autres, qui possède ce grand terrain où vivent ses vaches. Il y a deux maisons de voisins en vue, tous fermiers, et sinon, c’est collines et forêt ! Il y a pire comme lieu de retraite…
Nous habiterons tous les quatre ici, le temps que le confinement durera, soit deux mois. Nos deux vans sont gentiment garés devant la maison, et on commence par un grand ménage : la maison est la plupart du temps inhabitée, et il y a de quoi faire 😁 . Après un petit temps d’adaptation, nous prenons nos marques : chaque couple a sa chambre, il y a un grand salon avec cuisine américaine, une salle de bains, des toilettes, et une machine à laver, bref tout ce qu’il faut ! Le seul bémol, c’est que la maison est très froide (ici, c’est le début de l’hiver…) et que le poêle ne fonctionne pas, mais John veille au grain et nous amène quantités de couverture et deux petits chauffages électriques qui serviront beaucoup ! Notre ange gardien du bout du monde. 😊
Même si on est isolés, on ne s’ennuie pas : avec le van, Camille a récupéré une petite guitare bleue, et tout le monde s’y met (même Romain, qui sait maintenant accompagner La Corrida de Cabrel !). Camille donne des cours de musique à Sara et Juan, et Sara donne des cours d’italien. Grâce aux films et aux livres que nous avions téléchargés suite à vos petites recommandations, nous avons de quoi nous faire des après-midi lecture et des soirées cinéma (et nous traumatiser avec Melancholia le premier soir haha). Ainsi que quelques soirées puzzle et jeux, Time’s Up et Concept dont Camille s’amuse à recréer un plateau.
Côté artistique et création, Romain se lance dans la conception d’un jeu en ligne (mais chut, ce n’est pas encore fini), et Camille en profite pour avancer son blog d’écriture avec un texte par jour, et une vidéo de chansons du monde par semaine à tourner avec Romain, ça nous occupe ! Elle se remet aussi à écrire des chansons folk en anglais, accompagnées à la guitare, ça fait du bien. 🙂
Et, aussi… On cuisine. Beaucoup. Il faut dire qu’après trois mois et demi en Asie où il était physiquement impossible de se préparer à manger, nous voilà avec une cuisine bien aménagée et du temps. Jackpot ! Romain se fait plaisir sur les ragoûts, currys thaï, burgers maison et légumes cuisinés, et Camille élargit son catalogue de gâteaux, tartes et sablés. On reprend à bonne vitesse le poids perdu en Asie 🤣 . Il faut dire que John et les voisins nous gâtent avec de la viande délicieuse de leurs fermes, assez de pommes pour dix tartes et des kilos de compote et des mûres sauvages, ce serait un crime de ne pas en profiter.
La grande nouveauté, c’est aussi le petit-déjeuner à l’espagnole que Juan et Sara nous font découvrir : toast, ail, huile, avocat écrasé, fromage, tomate, jambon et poivre, une tuerie ! Notre nouveau rituel officiel de début de journée. 😁
Les courses sont un peu la sortie exceptionnelle : une fois toutes les deux semaines, à quarante minutes de route. C’est un peu stressant de ne pas savoir comment la crise va influer le rapport aux étrangers, mais on s’est inquiétés pour rien, les néo-zélandais sont toujours aussi adorables. On revient avec deux caddies pour tenir jusqu’aux deux semaines suivantes, et on nettoie tout avant de laisser Camille faire son tetris dans le placard et le frigo.
On a aussi des petits voisins qui peuplent la maison et le jardin autour : les petits fantails, oiseaux hyperactifs et absolument craquants, qui voletent autour de nous et rentrent même parfois dans la maison. Mais aussi… les opossums, qui colonisent la région et en l’occurrence, notre plafond 😛 . Le soir, ça gratte, ça gratte… Nous on les trouve mignons, mais c’est apparemment un fléau dont les néo-zélandais essayent de se débarrasser par tous les moyens, y compris en posant des pièges autour de chez nous, que les enfants des voisins viennent relever le matin, avec un oppossum pendu contre un arbre. Ambiance.
II — Les balades
On vous rassure, on n’a pas passé les deux mois enfermés : comme le terrain autour de la maison est un terrain privé, on pouvait se balader librement, et on en a bien profité. En montant sur une colline à l’ouest de la maison, on avait une vue magnifique sur le mont Taranaki, le volcan qui donne son nom à la région, et le soleil qui se couchait à côté de lui.
Apparemment, la couche d’ozone au-dessus de la Nouvelle-Zélande est plus fine qu’ailleurs. Le mauvais côté, c’est que le taux de cancers de la peau est élevé ; le bon côté, c’est que la lumière est magnifique, et la chaleur du soleil très forte. Même lorsque le matin était glacial et les collines toutes embrumées, à partir du moment où le soleil sortait, le ciel s’éclaircissait et on n’avait plus froid 😊 . Par contre, les jours de pluie diluvienne, on empilait les vestes. Durant ces deux mois, on a eu le temps de voir le grand érable qui jouxte la maison passer de vert à pourpre, avec toutes les nuances de jaune et orange en chemin, c’est beau ! 🙂
Une autre balade chouette montait à travers les collines au nord, avec juste avant de rentrer dans « la forêt de John » trois très beaux arbres qui ressemblaient à des oliviers, avec un tronc noueux en spirale. Camille en a adopté un, au pied duquel elle a chanté un de ses chants du monde en gaélique.
À l’est de la maison, pas loin de la route, il y a une ligne de rails abandonnés, qui servaient il y a longtemps à transporter des wagons de marchandises de la campagne vers la ville de New Plymouth, tout à l’ouest. Nigel, notre voisin tout rond et adorable, de son accent kiwi incompréhensible, nous raconte que le long tunnel que parcourait les wagons était tellement sombre que pour savoir si le train avançait dans le bon sens, le conducteur tendait un bâton pour toucher les bords du tunnel. Nous, on se contente de faire l’équilibre sur les rails, regarder les martins-pêcheurs perchés sur les lignes électriques et les veaux dans les champs autour qui jouent et cabriolent dans tous les sens.
La forêt est très belle aussi, et regorge d’oiseaux dont l’incroyable tui, au chant complètement absurde (on dirait une horloge cassée), et surtout de chèvres sauvages qui parcourent les chemins en bandes de quatre ou cinq, et qui sautent dans la pente dès qu’elles nous voient. C’est vraiment impressionnant de les voir filer ainsi, mais apparemment elles sont une vraie plaie pour les fermiers car elles broutent toute l’herbe des terrains prévue pour les vaches. Il y a même un paon qui s’est installé dans le coin, et qu’on a croisé par hasard en se baladant un jour jusqu’à la rivière à l’extrémité du terrain (une heure et demi de marche tout de même !).
Plus rares, on admire aussi les perroquets verts et rouges qui traversent parfois les champs autour de la maison et dérangent les couples de canards de paradis occupés à parader (ou à s’engueuler, on ne sait pas trop !). Les oiseaux vont beaucoup nous manquer quand on va rentrer en France…
Camille profite donc de son lot de balades, même si son amour des circuits en boucle la poussera une fois à faire un grand cercle en passant sur ou sous les clôtures électriques qui délimitent les terrains… et bien galérer à repasser sur celui de John, au prix de quelques coups de jus. 😅
III — La ferme
On est là, donc autant donner un coup de main ! Juan, qui est géologue spécialisé dans les sols de forêt et rêvait de bosser à la ferme, assiste beaucoup John dans les premiers temps, et on aide comme on peut. On apprend notamment à conduire les quads, c’est génial !
Une des tâches principales consiste à récupérer le bois des arbres morts du terrain et le déplacer pour le brûler. Ça prend du temps, mais on s’amuse bien avec les milliards de pommes de pins tombées en même temps que l’arbre.
Après deux semaines de confinement, John a eu de gros soucis de santé et a dû être hospitalisé (heureusement, depuis ça va beaucoup mieux). C’est donc ses deux filles Nathalie et Stéphanie, qui ont pris le relais et ont confié davantage de tâches à Juan, notamment le déplacement des vaches d’un champ à l’autre tous les deux jours pour contrôler l’herbe qu’elles broutent. On a assisté en les encadrant quand elles devaient aller loin, c’était bien drôle (et pas toujours simple !). On a eu l’occasion de réparer une clôture que des nouveaux arrivants un peu trop vaillants avaient défoncée. 😆
Camille a eu une expérience « 100% campagne néo-zélandaise » : un jour, un voisin d’une ferme assez loin est passé pour nous dire que dans sa séance de chasse il avait abattu un sanglier qu’il allait devoir transporter jusqu’au quad. On l’a donc accompagné avec Juan et Sara, et Camille a transporté sur quelques dizaines de mètres le sanglier, 44kg sur son dos. Ah oui, et il n’avait plus de tête (c’est lourd et ça encombre). Ce qui a donné des photos… intéressantes. 😁
Enfin, un des projets de John était de repeindre la maison. Entre deux jours de pluie, les matins de brume et les soirs glacés (à 17h, dès que le soleil passait derrière la colline, la température chutait en dix secondes…), nous avons donc karcherisé, raboté, poncé, et peint les murs extérieurs 😀. Enfin, commencé, puisque nous sommes partis de la maison avant d’avoir fini.
IV — La réouverture
Le 11 mai, un mois et demi après notre arrivée, la Nouvelle-Zélande qui avait réagi très vite au virus a levé le confinement. On a pu en profiter pour voir nos voisins, davantage que pour leur donner des tartes aux pommes entre deux portes pour respecter la « bubble » — la bulle que les néo-zélandais devaient maintenir autour de leur famille la plus proche pour limiter la propagation du virus. Le 15 mai, tout excités, on est allés dîner chez Vik et Sally (le chasseur de sanglier, adorable, avec une stature de viking), puis deux jours plus tard, on a fêté les 29 ans de Romain avec un déjeuner en terrasse à douze avec les trois familles des voisins. 😀
On a aussi pu aller randonner sur le magnifique Taranaki, au sommet enneigé par les dernières semaines. On n’a pas atteint le niveau de la neige, mais il faisait frais avec le vent ! C’était assez magique de randonner en forêt puis en altitude avec vue sur la mer, qui longe la montagne. Il y avait des arbres blancs sortant de la forêt qui paraissaient magiques, mais dont nous avons appris par la suite qu’ils mouraient d’une maladie préhistorique qui a refait surface il y a quelques années 😕. La balade réservait de très beaux paysages en tout cas !
Nous avons aussi enfin pu aller déjeuner chez John et Elaine, et leur fille Stéphanie. On a passé un super après-midi à discuter de voyages, de tout et de rien, et à admirer le magnifique jardin qu’Elaine enrichit depuis 1984.
Camille leur a joué la chanson qu’elle a composée et nommée Heao Road, nom de notre maison d’accueil, pour les remercier de nous avoir tant aidés. On vous met le texte ici, qui résume assez bien nos deux mois en ermites au bout du monde. 😊
At the end of the world In the midst of the storm There’s a place that is waiting For you down in Heao Road In the deep of the night When your feet are so sore There’s a place that is waiting For you down in Heao Road Taranaki’s snow white coat is shining It’ll keep you warm against the biting air Down the rail tracks where the grass is growing Blackberries everywhere Kingfishers always share Chorus There you’ll feel the wheel of time is slowing You’ll learn to watch the days just come and go And even if some mornings find you longing Just look out the window Home’s closer than you know Chorus Fantails will come to your door twirling They’ll sing for you in the morning sun Hear the forest and the hills they’re sighing Master and slave to none Like wild goats, on you run Chorus When nothing’s left to keep you from falling They’ll grab your hand and pull you up to the light When you thought that no one heard you calling A shelter comes in sight A candle in the night The only thing that shines more than golden hour Is the smile they give you and makes you forget that you’re a stranger Chorus | Au bout du monde Au milieu de l’orage Il y a un lieu qui t’attend À Heao Road Au plus noir de la nuit Quand tes jambes te font mal Il y a un lieu qui t’attend À Heao Road Le manteau de blanche neige du Taranaki brille Il te tiendra chaud dans l’air mordant Le long des rails où l’herbe pousse Des mûres partout Les martin-pêcheurs partagent toujours Refrain Là, tu sentiras que la roue du temps ralentit Tu apprendras à regarder aller et venir les jours Et même si certains matins, tu te languiras de chez toi Jette un oeil par la fenêtre La maison est plus près que tu ne crois Refrain Les fantails (rhipidures à collier) viendront virevolter à ta porte Ils chanteront pour toi dans le soleil du matin Sens la forêt et les collines qui soupirent Maître et esclave de personne Comme les chèvres sauvages, tu cours Refrain Quand rien ne peut plus t’empêcher de tomber Ils attraperont ta main et te tireront vers la lumière Alors que tu croyais que personne n’avait entendu ton appel Un abri apparaît Une bougie allumée dans la nuit La seule chose plus éblouissante que l’heure d’or (une heure avant le coucher du soleil) C’est le sourire qu’ils te donnent et te fait oublier que tu es un étranger Refrain |
Enfin, le 26 mai, après deux mois exactement de confinement, nous avons repris la route d’Auckland pour terminer le voyage et vendre le van avant de rentrer…
…enfin presque 😛. Mais ça, on vous le réserve pour les Mésa-Van-Tures, partie 2 ! À suivre donc… 😉