
Depuis nos trois semaines perdues à Ko Chang, on rêvait de nature retrouvée, c’est pourquoi nous sommes allés nous perdre au village de Chi Phat, au sud du Cambodge, dans les Cardamom Mountains. Même si c’est un endroit qui se mérite (six heures de bus de Siem Reap à Pnom-Penh, une nuit qui nous a coûté une fortune dans un hôtel pourri, puis cinq heures de bus jusqu’à Andoung Tuek suivies de deux heures de bateau sur le fleuve le long des mangroves), on est très heureux d’avoir fait l’effort d’y venir !
Le village est en soi assez classique, et les étrangers viennent surtout pour les treks dans la jungle, organisés par le « Community Center », qui s’occupe de nous répartir dans les logements, propose des repas et organise les différentes activités disponibles.
Le seul reproche qu’on aurait à faire concerne les tarifs des activités et des repas, trop élevés selon nous : 10$ le cours de cuisine où on ne cuisine pas vraiment, ou encore la location d’un vélo à 10$ la journée ! C’est un peu scandaleux… Et les treks avec nuit dans la jungle sont au minimum à 71$ par personne, contrairement à ce qui est indiqué sur le site internet, dont les prix ne sont pas à jour. Ça, couplé au côté un peu « porte de prison » de la dame censée nous accueillir. Romain dirait « aimable comme un doigt de pied », l’expression n’existe pas mais il y tient beaucoup. 🤣
Malgré ces bémols, l’expérience était super. On a choisi d’être logés en « homestay », chez l’habitant, pour 5$ la nuit : on s’est retrouvés dans la famille de Srai Phoah, la maman, sa mère Saithi, et ses deux boules de mignonneté Sinni, 4 ans, et Wayut, 7 ans. Évidemment, Camille a craqué tout de suite, et elle a passé une bonne partie de ses après midi à danser, dessiner, jouer à cache-cache ou au ballon (improvisé avec un débardeur en boule dans un mouchoir en tissu noué 😛). La petite fille Sinni était particulièrement à-cro-quer.
C’est assez drôle de chercher comment jouer ensemble quand on ne parle pas la même langue, les seuls mots de khmer que Camille connaissait étant « Sosdai — bonjour », « Sorkoun — merci » et les chiffres jusqu’à cinq « moey, pey, Baï, bun, prahm ». La maman Srai Phoah en revanche parlait plutôt bien anglais, et on a beaucoup aimé discuter ensemble, des enfants, de ses études, de son mari et sa mère partis loin à leur ferme pour la mise-bas d’une des vaches… On a aussi beaucoup mangé avec eux, et c’était vraiment chouette, on s’est beaucoup attachés.
La deuxième rencontre très sympa fut Andy, un anglais d’une soixantaine d’années, avec qui on a tout de suite sympathisé dans le bateau d’arrivée, et avec qui on a décidé de faire le fameux trek de deux jours avec une nuit dans la jungle !
30/01 — Un trek en pleine jungle
On démarre à 5h20 avec rendez-vous au Community Center pour récupérer les sacs à dos qu’on nous prête, contenant nos hamacs à moustiquaire intégrée et une couverture pour la nuit. On avait hésité à utiliser nos propres sacs à dos, et au final on aurait probablement mieux fait, mais ils n’étaient quand même pas mal 🙂. On nous a aussi remis notre petit déjeuner (un délice de pancakes et bananes avec des morceaux de mangue, le tout savamment empaqueté dans des feuilles de bananier 🥰), puis on part tous les trois avec notre guide Kim et le cuisinier Sowann.
Première étape de la journée : le bateau ! D’abord à moteur pendant une heure et demi, pour rejoindre un bras du fleuve qui part vers le nord. Le jour se lève petit à petit, et on se régale de notre petit-déjeuner, c’est très sympa même si le moteur est un peu bruyant et qu’il fait frais 😉. Ensuite, on change d’embarcation et embarque dans une petite pirogue où un autre guide, debout, pagaie pour faire moins de bruit. C’est parti pour le « birdwatching », observation des oiseaux et autres animaux… Rien n’est jamais garanti, mais on a eu beaucoup de chance et notre conducteur était top : très attentif, il s’arrêtait ou revenait en arrière et nous pointait du doigt dès qu’il répétait quelque chose. On a ainsi pu voir de nombreux singes qui sautaient d’arbre en arbre, des calaos qu’on était bien contents de retrouver après Ko Chang 😀, pleins d’autres petits oiseaux et un énorme Toucan, aux ailes tellement larges qu’elles font un sacré bruit quand il vole ! Ravis, on se fait déposer par la pirogue au point de rendez-vous où nous rejoignent Kim et Sowann, qui étaient restés sur le bateau à moteur.
Le trek commence vraiment, on s’enfonce dans la jungle qui résonne des chants d’oiseaux et des gibbons, c’est top. Heureusement — ou malheureusement — Camille renonce bientôt à garder l’appareil photo sorti (il fait très humide et les sacs nous pèsent quand même bien sur les épaules), donc on a assez peu de photos à part celles prises avec le téléphone. En revanche, elle a enregistré plusieurs fois les sons de la jungle, et cette ambiance assez magique…
Le trek n’est pas trop difficile en soi, mais il fait très vite chaud, humide, et le soleil tape quand on sort du couvert des arbres ! On est très vite ruisselants 😊. Romain démontre encore un fois son impressionnant sens de l’observation en repérant plein d’insectes, magnifiques papillons, nids de fourmis, termitières, araignées, punaises, sauterelles… Kim, notre guide de cinquante-huit ans rigole tout le temps, parle un anglais escamoté et nous raconte entre deux chants d’oiseau un peu de l’histoire des khmers rouges, qui ont très longtemps occupé la jungle où ils ont coupé de nombreux arbres et tué les animaux. Il nous montre aussi deux grosses bouses d’éléphant, qu’on ne verra pas mais qui passent par là pendant la nuit 😁…
Sowann et lui nous montrent les différentes variétés d’arbres, nous font boire l’eau d’une liane, nous expliquent comment la sève du « coki », qu’une flamme ramollit, sert à isoler la coque des bateaux, et dégagent parfois le chemin à coup de machette (bien affûtée, ça rigole pas). Ils nous confectionnent en deux temps trois mouvements des bâtons de marche qu’on sera bien contents d’avoir tout au long du chemin, et qui seront l’occasion de bien rire de Camille qui oublie systématiquement le sien à chaque pause… 😅
Le midi, pause dans le cours d’une rivière presque à sec, où ils s’installent pour faire un feu et prendre de l’eau. Kim s’esclaffe : « Restaurant Cambodia! » avec son éternel rire contagieux 🙂. Il nous explique qu’en plus d’avoir oublié ses lunettes ce matin, ils ont oublié le savon. On comprend alors que l’eau qui sert à nettoyer les plats, ET à faire la cuisine… c’est l’eau stagnante et franchement suspecte des petites mares, seuls restes de la rivière pendant la saison sèche. Gloups 😩. On décide de faire au moins une petite opération « séchage des assiettes », Andy s’avance bravement, en clamant fièrement que sa mission sera de les essuyer et, tout aussi bravement, glisse sur la pierre et se retrouve dans l’eau, les pieds trempés, son rouleau de papier toilette complètement imbibé 😂. Heureusement il ne s’ est pas fait mal. Romain, fidèle à lui-même, se fera un devoir de le taquiner non stop à ce sujet les trente-six heures suivantes 😆. Au final, on n’aura même pas été malades, comme quoi l’eau bouillie est à la hauteur de sa réputation ! Pendant que la cuisine se fait, Camille en profite pour tourner une autre vidéo pour sa chaîne YouTube de chansons du monde. Le repas est très bon, riz blanc avec légumes frais sautés (carottes, morning glory, courgette…) et poulet, puis on reprend la route !
On papote de tout et de rien avec Andy, on aperçoit presque les gibbons et on revoit l’immense Toucan qui passe au-dessus des arbres deux fois (« lucky, lucky! » nous dit Kim). À 16h, on arrive au campement (« Hotel Cambodia! Hahaha! » 😊) où on s’installe pour la nuit : un plancher surélevé, un toit pour protéger de la pluie, et de quoi accrocher nos hamacs 🙂. On se souviendra longtemps de la petite sieste qu’on s’accorde à ce moment-là, bercés par le balancement du hamac et les chants d’ oiseau. On est bien…
Vers 17h30, on tente d’aller à un point d’observation du « waterhole », plan d’eau où les animaux viennent se désaltérer ; malheureusement (on était déjà au courant par les guides), on se rapproche de la saison chaude, et le point d’eau est à sec. On regarde quelques oiseaux blancs, ressemblant un peu à des hérons, mais pas plus ; quand soudain ; ploc, ploc, ploc, ploc-ploc-ploc-PLOC-PLOC-PLOC… La pluie !
On avait vu des météos contradictoires la veille, mais on avait tenté le coup… Eh ben on a pas été loupés par la pluie 😆. Évidemment on était partis du campement en laissant tout sur place, et notamment nos impers pris au cas où… Camille qui avait son haut de maillot a viré son débardeur, et on est rentrés sous la pluie tropicale, en arrivant au campement intégralement trempés (et en riant beaucoup). Là, la pluie était telle qu’on a pu réaliser ce dont on avait plaisanté le matin : prendre une douche de pluie 😀. On a mis nos affaires à sécher sous le toit en espérant qu’elles soient prêtes pour le lendemain (pas de pantalon de rechange…), et on a profité du dîner préparé par Kim et Sowann.
La nuit était sympa, même si Camille s’est rendue compte en rentrant de la douche que son hamac était accroché sous le SEUL endroit où il y avait une fuite dans le toit ; elle a donc dû un peu batailler pour s’isoler de son hamac humide avec sa couverture. On n’a pas aussi bien dormi que pendant la sieste du bonheur, mais le réveil avec les chants d’oiseau qui reprennent et la lumière qui monte peu à peu en valaient la peine 🙂. On a même entendu un sanglier qui a tourné autour de notre petit campement aux aurores.
Après un lever un peu difficile pour Romain, on prend notre copieux petit-déjeuner (des nouilles !) et nous revoilà partis. On continue dans la jungle, puis à découvert ; mais grâce à la pluie d’hier et aux nuages encore présents, il fait bien moins chaud 🙂. On discute beaucoup avec Andy, on parle de politique, de voyages, de nos vies, c’est chouette. Dans la descente qui nous ramène doucement à la civilisation (cela fait plus de vingt-quatre heures qu’on n’a croisé personne), Sowann nous montre des fruits du coin : sortes de fraises des bois un peu fripées protégées dans des coques jaunes, et gros fruit jaune très juteux, absolument délicieux quand on arrive d’un trek ! Devant, Romain et Kim voient deux petits écureuils rayés dans un arbre.
On finit par retrouver les villages, et on arrive devant une petite cascade mimi, où une famille venue en gros 4×4 pique-nique et où plusieurs moines avec leurs tenues traditionnelles orange se baignent. Puis (nous aussi on veut se baigner !), on va un peu plus loin, dans un petit coin contre la rivière qui nous rappelle un peu la Corse. Après avoir fait trempette, Kim et Sowann s’installent et lancent le feu tandis que nous trois allons avec délice nous laisser glisser dans l’eau de la rivière. Quel bonheur après deux jours à transpirer ! La vasque est grande et on nage un moment, puis Andy et Romain sortent tandis que Camille profite de chaque instant de barbotage autorisé jusqu’à ce que le repas soit prêt. Sur les arbres qui bordent la rive, elle aperçoit de nombreux oiseaux, jaunes, verts, noirs, à longue queue, et deux écureuils qui se courent après dans les branches.
Après un dernier repas ensemble, Sowann nous dit au revoir, et Kim nous raccompagne au village. On a des étoiles encore plein les yeux. 🙂
01/02 — Repos et cours de cuisine
Après s’être échangé conseils et infos (Andy va à Siem Reap bientôt, et connaît bien la Nouvelle-Zélande où on va le mois prochain), on se dit au revoir le lendemain matin. Nous on restera tranquilles, à part le matin une petite séance de cuisine où on verra avec quels ingrédients se prépare le curry traditionnel.
L’après-midi, on s’offrira une deuxième escapade à pied jusqu’au point de baignade. On s’attendait à retrouver le calme paradisiaque de la première fois, manque de bol, à quelques dizaines de mètres derrière les rochers, des jeunes avaient ramené JUSQU’À LA RIVIÈRE un système de karaoke poussé à fond… C’est pas grave, c’était bien drôle, surtout quand on a entendu une voix de français entonner « Sous le Vent » et « L’aventurier » au milieu de toutes ces chansons khmer 😆. On rentre en passant entre les maisons et les champs de bananiers, et après une dernière soirée en famille, on reprend le bus le 3 février au matin pour quitter le Cambodge.
Bye bye Chi Phat, c’était bien. 🙂